Suite 174... A la poursuite du plaisir {Philippe

La pluie tombait sur la capitale, déprimante, usant les pavés. Mais ne pensez pas que la fête pouvait s’arrêter, c’était exactement les situations qui provoquaient un boom sismique dans les relations amicales. Les jeunes se retrouvaient à trois ou quatre dans les chambres des grands hôtels, pour ne pas salir les tapis persans de leurs appartements. La chambre 174, la plus grande suite du Ritz Carlton leur était réservé. Aujourd’hui, ni plus ni moins qu’eux deux, autour d’un plateau sur lequel prendraient bientôt place des lignes blanches.

Leur compagnie ? On verrait après, des jolies minettes prêtes à tout pour monter en grade. Imaginez la publicité qu’elles se procurent en couchant avec les plus grands futurs rois du monde ! Enfin, elles le croient, car il est plutôt réaliste de dire, que Philippe et Jack ont couché avec suffisamment de filles lors des cinq années précédentes, pour que le fait de passer dans leurs draps lorsqu’on fait partie de l’élite tienne plus du rite de passage, du lieu commun, sur lequel toutes les filles s’entendent.

Le portable à clavier Azerty dégainé, le texto était prêt à être envoyé à l’un de ses meilleurs amis. Philippe Deslauriers. Une sorte de fils de riche plus sympathique et plus défoncé que les autres. Un alter ego vous dites ? J’aurais plutôt dit le seul capable de ne pas passer en « bad trip » après trois rails. Pour l’instant le texto n’avait été envoyé qu’à lui. Après tout, très privée, signifiait la même chose pour lui et pour Philippe. Ils trieraient sur le volet deux trois personnes à inviter quand ils seraient un peu échauffés.

Le message partit. Le texte était destiné à rameuter son ami au plus vite. Il savait très bien comment faire réagir l’instinct de clubber primitif de l’héritier.

« Soirée -très- privée, suite 174 Ritz Carlton. Il te faudra suivre la ligne blanche et aimer la glace pilée. Ramène une bonne bouteille. »

La réponse de son camarade ne s’était pas faite attendre.

« Putain, je me ramène. À toute suite, j'apporte ma dot ( : »

Parfait, maintenant il fallait préparer le lieux. Une ambiance chaleureuse, un bar éblouissant, des assiettes de lignes. Enfin, tout ce que pouvait lui permettre la carte platine de son père. Il établit une liste de trente prénoms. Les plus prometteurs de la nouvelle vague de débutants. Qui prendre pour s’amuser ? Qui prendre pour avoir une partie de jambe en l’air torride ? Tout était là, attendant que les deux amis fassent leur choix. Vous connaissiez le fast-food, vous connaissiez les self-services ? Et bien c’est un mélange des deux. Le fast-self-human-service.

Une sorte d’invention des deux amis, qui leur avait fait passé déjà quelques soirées mémorables. Enfants de star coincés, enfants de petits riches snob… Tous étaient notés, puis réévalués. N’oubliez pas que vous êtes dans la jungle et que ce sont eux deux les lions. Mangez le plus possible de petites gens, car eux sont des amateurs de grosses proies.

«Bonsoir monsieur Deslauriers»

«Je voudrais deux bouteilles de Cristal à l'heure dans la suite 174, jusqu'à nouvel ordre. Oh, et deux immédiatement, je vous pris»

«Me dit pas que t'a commencé sans moi, mon pote»

«J'ai amené de quoi commencer doucement cette belle et fraîche soirée...»

La nuit parisienne est l’une des plus merveilleuses au monde. Toute personne ayant un peu voyagé vous le dira, à condition d’aimer la fête. La tournée des bars dans Paris est une chose assez incroyable, on peut fréquenter dans la même rue un très grand restaurant et un petit snack… La bière est là même où qu’elle soit servie disent les gens qui n’ont pas les moyens de boire un verre dans les plus grands palaces de la capitale. La bière oui, mais le whisky… Ce soir ce serait vodka, whisky et assortiment d’autres petits plaisirs. Un martini pour commencer, un bloody mary, un sex on the beach, on ne voyait plus vraiment la fin de la liste de cocktail qu’ils avaient bu et qu’il boiraient encore. Sur le pan de la porte le visage fort connu de son ami se dessina, les mains pleines. La fête pouvait commencer.

Jack » Du Cristal hein ? Tu ne changeras jamais ! Heureusement que cette année est l’une de mes préférées ! Tu crois qu’ils en auront encore longtemps ou nous allons épuiser, à nous deux, toutes les bouteilles de ce nectar ?

Son regard amusé et son sourire en coin étaient significatifs de l’état d’esprit dans lequel il était. Aujourd’hui la fête serait mémorable, il en était persuadé. Il sortit deux coupes à champagne, puisqu’ils se devaient de commencer par le champagne et de finir par le champagne, c’était une sorte de règle d’or. Invitant d’un geste de la main son ami à s’asseoir. Il sortit trois dossiers. Contenant tous une vingtaine de dossiers annexes. Le premier était appelé : A concrétiser ; le second « Les espoirs » ; le troisième « A découvrir ». De quoi étaient-ils constitués ? C’était leur coutume, parmi les soixante candidats du soir ils en choisiraient trois ou six, selon leur humeur, pour finir la soirée avec eux. Un ou deux de chaque catégorie. Après la fête chaque membre participant était noté, annoté, recevait une appréciation et selon son dossier « scolaire des fêtes » son ascension dans leur petite société était plus ou moins compromise. A première vue, la moitié de l’élite était passée par leurs soirées avant d’entrer dans le grand bain. Dans un certain sens ils avaient formé les plus grands fêtards de la ville, de France et peut-être même du monde.

Jack » Nous commencerons ta jolie bouteille en découvrant les vingt candidats qui veulent concrétiser leur première fête ? Ou préfères-tu commences par la chair fraîche des minettes à découvrir ?

C’était toujours ainsi entre eux, ils avaient une de ses relations non contraignantes dont tout le monde rêve, ils se voyaient très régulièrement, s’amusaient, et s’ils n’avaient plus de nouvelles pendant trois semaines c’était que l’autre avait décidé de prendre des vacances dans les Hampton là où la fête est accompagnée du soleil. Voilà pourquoi ils étaient d’une certaine manière les meilleurs amis du monde, parce qu’ils ne pouvaient pas s’ennuyer ni s’engueuler, ils avaient tous les deux leur liberté, ils y tenaient et respectaient celle de l’autre. Se retrouvant forcément dans les meilleures fêtes, souvent celle d’un des deux d’ailleurs, ou dans les plus grandes fêtes mondaines qu’organisaient leurs amis.

Il ouvrit les deux dossiers, à la première page un garçon d’une vingtaine d’année, déjà noté. B-, ce n’était pas glorieux mais il n’y avait rien à reprocher à ça. Ils étaient d’exigeants professeur. Un B- c’était un bon début pour une première. Même si les appréciations de Jake coupaient un peu plus que de raisons il avait qualifié le jeune homme de « comédien accusant son ivresse des attouchements faits aux jeunes demoiselles », rien de bien grave sinon que dans cette société si on jouait mal on était évincé. A droite le portrait d’une fille, sa fiche immaculée, elle avait le profil même de ce qu’ils recherchaient. Fille d’un gérant d’hôtel de luxe, d’une mère mannequin, riche comme pas deux, habituée au luxe, bonne fêtarde. Elle retiendrait peut être l’attention. Mais Jack laissa son ami faire ses propres découvertes dans la suite des classeurs.

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